Systéme de productionSystéme de productionSystéme de production

Systéme de production
1 – Système de production
La notion de système de production est apparue dans les années 90 lorsque l’occident industriel a découvert et / ou compris la nature de l’organisation et du management des usines japonaises. Il est intéressant de rappeler, même rapidement, comment se sont construits les systèmes de production. Le système de production japonais, que l’on pourrait appeler, pour aller vite et en donner une image concrète, le Toyota Production System, est un empilage cohérent de réponses aux évolutions techniques et technologiques, aux évolutions « business » et aux évolutions sociales apportées aux différentes périodes de la deuxième partie du XXIème siècle. L’exportation sur les marchés occidentaux des produits japonais dans les années 60 et la piètre qualité qui les caractérisait a fait naître les mouvements sur la Qualité, pour faire naître les Cercles de Qualité et ensuite le TQC. C’et la nécessité d’exporter des produits de qualité qui a généré les CQ et le TQC. Que Deming ait apporté des outils et du coaching est une réalité opératoire, la motivation tenait à la nécessité de répondre à la mauvaise qualité produite. La mécanisation et l’automatisation des lignes de production dans toutes les usines japonaises dans les années 70 et après, ont fait naître le TPM : les pannes inhérentes aux nouvelles machines que l’on n’avait pas encore appris à maîtriser ont amené à réfléchir maintenance, fiabilisation, prises en charge, responsabilité, etc. ; tout ce qui fait les contenus de TPM. Ce n’est pas le TPM qui a généré l’automatisation, mais l’automatisation qui a fait naître le TPM. La réalité géographique du Japon, faite d’une bande côtière étroite où s’entassent agglomérations immenses et industries nombreuses a rendu très tôt le prix du mètre carré de terrain totalement déraisonnable pour y construire des entrepôts et des magasins : il a donc fallu trouver la réponse à cette contrainte locale : comment produire sans stock ? Le Just in Time avait trouvé sa raison de se développer. Un dernier exemple : le 5S. Cette démarche spécifiquement japonaise prône l’ordre, le rangement et la propreté. Le 5S a réussi au Japon parce que les japonais, civiques peut être plus que d’autres, ont accepté de faire les efforts demandés sans lesquels leurs penchants naturels les auraient submergés d’un bazar monstrueux ; il suffit de jeter un coup d’œil dans un atelier d’artisan ou de TPE locale pour comprendre que ordre et rangement ne sont pas des dispositions naturelles chez les japonais. Un premier point à retenir en matière de système de production est la dimension « réponse » des entreprises aux grands besoins ou aux évolutions de leur environnement. Ce qui est vrai de l’origine desdits systèmes, l’est aussi de leur évolution : il s’agit systématiquement de répondre à des évolutions plus ou moins importantes de l’écosystème des entreprises. Cette démarche est fondamentalement différente d’une démarche où la réflexion initiale et la modélisation sont préalables à l’application.
3 – L’implantation et le développement des systèmes de production
Les entreprises japonaises ont étalé l’implantation de leur système de production sur plusieurs décennies. Et pratiquement toutes de la même façon, au moins chronologiquement. D’abord les cercles de qualité qui ont aussi été l’occasion d’apprendre à travailler en petits groupes ; ensuite ou en parallèle le TQC ; le JIT a été le second moment important de cette évolution et le TPM a été probablement le dernier package important à être implanté. Chaque domaine était traité dans le cadre d’un programme d’installation et de déploiement, orientant la communication et la promotion des idées principales, les formations et bien sûr les mises en place ; un programme nécessitait 4 à 5 ans ; bien évidemment, les améliorations ne s’arrêtaient pas avec le programme de lancement, mais on estimait qu’il s’agissait à ce stade d’un standard à appliquer et améliorer comme toute autre activité « banalisée ». A noter aussi que ces systèmes de production ont été développés pendant les années de croissance du Japon, période faste pendant laquelle les moyens de tous ordres ne manquaient pas. A noter aussi que ces systèmes ont été installés et déployés sur une période allant des années 60 aux années 80. C’est différent que tenter de faire l’équivalent en période de crise et en 3 ans.
4 – Architecture des systèmes de production
Les systèmes de production ont pour raison d’être l’optimisation de la performance de la Production dans les domaines du QCD, la Qualité, les Délais et les Coûts en vue d’un accroissement de la Satisfaction Client, et, partant des résultats opérationnels et financiers de l’Entreprise. La seule Satisfaction Clients s’est élargie progressivement à la satisfaction de l’ensemble des parties prenantes, notamment le Personnel, la cité, les partenaires et les actionnaires. Pour remplir cette mission, l’architecture d’un système de production doit articuler :
    • une dimension gestion des flux matières, des fournisseurs aux quais d’expédition ; cette dimension intègre les systèmes d’approvisionnement, et bien sûr la gestion des délais et des stocks. Le JIT est plus que représentatif de ce pilier. Le MRP2 en est une autre approche.
    • une dimension maîtrise de la qualité, servie par l’ingénierie des moyens (autonomation), les méthodes de contrôle (au sens anglo-saxon du terme) comme le SPC par exemple, les dispositifs « terrain » comme les poka yoke, les systèmes d’alerte (andon), et l’ensemble des outils à vocation pédagogique (check lists, matrices, …)
    • une dimension gestion d’équipements, où les différentes formes de maintenance trouvent évidemment leur place, de même que les méthodes d’amélioration spécifiques ciblant la flexibilité comme le SMED ou la fiabilité, comme de nombreux éléments du TPM.
    • une articulation avec le développement et l’ingénierie pour intégrer en production les nouveaux produits / process
    • un système de management de la performance : indicateurs, management visuel, target setting,
  • des pratiques d’amélioration continue, appartenant généralement au système d’amélioration continue de l’entreprise, dépassant le seul périmètre de la production.
Ces différentes dimensions comportent des rituels de fonctionnement. Elles sont dynamisées par les politiques de l’entreprise, ses objectifs généraux et ses pratiques de management. La formation aux différents domaines et aux différents niveaux impliqués dans ces systèmes de production reste un levier de fonctionnement et de dynamisation évidemment majeur. Les organisations dans lesquelles s’intègrent les systèmes de production sont caractérisables par :
    • des entités offrant des niveaux d’autonomie variables,
    • des lignes hiérarchiques permettant des processus de décision rapide,
    • des pratiques du « transversal » et du « multi-compétence » effectives,
    • des systèmes d’information offrant des niveaux d’intégration, d’accessibilité et de fiabilité reconnus et appréciés,
5 – Système de production et « boîte à outils »
Les systèmes de production de type TPS ont l’avantage de la cohérence de leurs contenus et de leur fonctionnement. C’est la nature même d’un système. Mais les emprunts partiels qui en ont été faits dans certains cas aux USA comme en Europe et qui revendiquent néanmoins une nature de système, n’ont pas abouti à cette construction de système homogène et cohérent. Le cas du TPM en France par exemple est symptomatique d’une appropriation différemment appréciable. On a retenu du TPM le TRS, qui s’est installé comme indicateur princeps, et la maintenance autonome. La maintenance technicienne n’a que peu souvent accepté le TPM, malgré l’intérêt des contenus que TPM propose dans ce domaine. L’intérêt de TPM est de proposer « en substance » un système de maintenance complet et la nature de son évolution : les progrès d’un volet définissant l’évolution d’un autre volet du total. En ne retenant que la seule maintenance autonome, on se prive de la dynamique d’évolution de l’ensemble de la fonction et on ramène le TPM à, comme disent certains, du « 5S machine ». Triste fin pour une approche qui a piloté, pour sa part, la productivité de la deuxième industrie du monde pendant plusieurs décennies. Pour ce qui est du TRS utilisé comme indicateur de rendement, les contresens sont nombreux : porter les TRS au maximum et générer des en cours et des délais ; réduire drastiquement des opérations de maintenance pour améliorer les TRS… Inutile de commenter les conséquences de telles mesures. On pourrait faire une autre remarque concernant l’application de TPM et 5S. Certains programmes 5S affichaient une application sur un périmètre de type « tout l’atelier sauf la machine » ; moyennant quoi il était possible de voir, dans certains cas pour de longues périodes, des armoires « flambant » neuf à côté de machines dont l’aspect et le rendement étaient nettement moins brillants. Le propos ici n’est pas de poser comme seule solution l’application complète et orthodoxe d’un modèle figé de système de production, mais de souligner la nécessité de cohérence entre les différentes fonctions d’un système et les risques à se satisfaire de la seule approche « outil ». C’est évident, dira le lecteur ! Mais de nombreuses réalités ne se sont pas révélées aussi sensibles à ces évidences là. Un autre aspect de la conception « boîte à outils » des systèmes de production est lié à l’introduction d’un nouvel outil, qui peut être un système à lui seul. C’est le cas par exemple du Lean 6Sigma. Parmi d’autres caractéristiques, L6S installe une force de frappe dédiée à la réalisation de projets d’amélioration, les Black Belts, en charge de projets sélectionnés sur la base d’une rentabilité suffisante. Cette approche, qui en soi n’appelle pas de commentaires particuliers, se révèle assez souvent « toxique » pour les systèmes de production. Plutôt que d’être un complément, il s’agit souvent d’un remplacement, ou d’un étouffoir ; les ressources sont ré affectées, les priorités sont modifiées, les acteurs ne sont plus les mêmes, la communication est adaptée. Bien d’autres raisons peuvent rendre compte de cette difficulté, des bonnes et des moins bonnes ; il n’en reste pas moins que la nécessité de cohérence dans le développement des systèmes de production qui ne peuvent être considérés comme des collections d’outils, est un impératif de longue vie de ces systèmes.
6 – Les Fondamentaux des systèmes de production
Quels que soient les niveaux de personnalisation des systèmes de production, plusieurs points communs sont observables ; ils en constituent en quelque sorte les fondamentaux.
    • l’implication du personnel. Les systèmes de production ne sont pas de simples applications fonctionnelles normatives, mais requièrent la participation du personnel pour exister et produire des résultats. Cette implication se concrétise dans des activités nouvelles et permanentes liées au poste de travail ou à la fonction. La maintenance autonome n’existe pas si les équipes de production ne les réalisent pas. Les problèmes de qualité ne sont pas résolus si les 7 ou 8 personnes « ad hoc » ne se réunissent pas pour les résoudre. Il y a implication nécessaire ; celle ci est supportée par différents moyens : l’information, les formations, la reconnaissance, … éventuellement la rémunération. Cette implication peut être spontanée ; c’est le cas au Japon où le fait d’appartenir à un ensemble (l’entreprise) proposant ce type d’activités et de fonctionnement, vaut pour acceptation. En nord Amérique, c’est la négociation préalable qui décidera de l’acceptation : tout ce qui a été négocié et accepté sera appliqué; pas ou peu de place pour la spontanéité. En France, c’est la conviction progressive et la démonstration (applications pilotes) qui peuvent emporter l’adhésion ou l’acceptation.
    • le travail en petit groupe. Qu’il s’agisse des Cercles de Qualité japonais des années 70 ou des groupes de travail autonomes européens de la même époque, le travail en petit groupe, soit pour des activités d’amélioration, soit en tant qu’élément de base d’organisation du travail (cf Volvo ou BSN), le petit groupe est une forme permanente dans les systèmes de production ; ils permettent à chacun de participer sans exposition individuelle perçue comme risquée et offre le cadre pratique de la multi compétence et du transversal dans le traitement de nombreux sujets techniques ou de fonctionnement.
    • La réduction des pertes et des gaspillages. Qu’il s’agisse des 16 pertes en production de JMA ou des 7 pertes du TPS, la comparaison entre la valeur technique d’un process, d’une activité ou d’une consommation et sa valeur réelle permet d’identifier les domaines où les améliorations doivent être réalisées.
    • L’autonomie. Autonomie ne signifie pas isolation, abandon ou indépendance. Autonomie renvoie davantage à une notion de non dépendance et de maturité des interfaces. Non dépendance par exemple dans le fait de pouvoir décider sans avoir à en référer en permanence à des services fonctionnels ou des niveaux supérieurs de la hiérarchie ; ceci suppose d’avoir défini préalablement les périmètres dans lesquels cette autonomie pourra et devra s’appliquer. Une autre déclinaison de cette notion est l’auto contrôle. Maturité des interfaces renvoie en premier niveau au « qui fait quoi où » permettant de poser au bon endroit les questions qui nécessitent un renfort pour construire leurs réponses et comment s’organise la continuité entre le spécialiste « métier » et la production.
La visualisation. Il s’agit avec la visualisation de rendre accessibles et lisibles des informations traditionnellement élaborées et stockées dans des fichiers IT et destinées « aux hiérarchiques » ou aux spécialistes. Elle trouve sa place dans des domaines différents :
    • le management et ses rituels, par lesquels on traitera de l’actualité de l’activité, de l’atteinte des objectifs de performance, des contre-mesures à prendre lorsque les écarts existent, de l’en cours des projets d’amélioration, des événements, …
    • la résolution de problèmes techniques ou organisationnels
    • l’amélioration continue
    • les activités de planification
  • les aides au travail techniques ou méthodes
La visualisation n’est pas l’art de la photocopie couleur ; mais bien celui de traiter l’information pour la rendre accessible et y intéresser le plus grand nombre.
  • La discipline. Par discipline, il faut comprendre le respect du plus grand nombre pour les règles du jeu établies et les méthodes proposées. Elle s’applique bien sûr à tous les niveaux et toutes les parties prenantes. C’est évidemment le point probablement le plus délicat ; les grands corporates établissent et officialisent le référentiel, la formation est systématique et l’application est auditée ; les écarts peuvent être sanctionnés de différentes façons. La fermeté n’est pas obligatoirement synonyme d’idiotie ou de négatif ; les formes peuvent aussi en être intelligentes, pédagogiques et respectueuses.
  • Le management de la performance. Le management de et par les objectifs, qui n’avait pas toujours trouvé un succès particuliers dans les applications tentées, a par contre trouvé une forme opérationnelle avec la version japonaise du « Hoshin ». A partir de l’examen des résultats de la période passée et des besoins de la période à venir, des objectifs sont définis et déclinés aux différents niveaux de la production. Les projets se construisent et constituent le portefeuille d’activité de la période à venir. Objectifs et activités donnent lieu à une communication préparant le lancement des programmes. Ces objectifs sont intégrés dans les valeurs de gestion et forment le cadre à partir duquel le management en suivra l’atteinte au fur et à mesure des réalisations. Une particularité de Hoshin, mais que l’on retrouve aussi dans d’autres démarches, est l’alignement des objectifs à chaque niveau sur les objectifs globaux de l’entreprise. Pour le reste, le systématisme de la déclinaison rend compte de l’intérêt de l’outil et de son efficacité.
7 – Modèle et différenciation
L’adoption d’un même modèle par de nombreuses entreprises proposant de travailler avec les mêmes méthodes sur les mêmes variables de performance et installant les mêmes pratiques peut laisser penser que l’on aboutira aux mêmes résultats. Tout le monde sera plus performant, mais tout le monde au même niveau. Cette possible uniformisation ne serait alors pas de nature à assurer des avantages concurrentiels. S’il est vrai que le risque d’une possible uniformisation existe, on peut néanmoins considérer le problème à deux niveaux. D’abord, en matière de performance production, la nécessité reste de se mettre au niveau des meilleurs du secteur d’activité ou au moins de ses concurrents directs : avoir le même type de « bonne » performance vaut mieux que de se différencier par une « mauvaise » performance. L’autre argument plus sérieux celui là concerne les facteurs de différenciation concurrentielle : produits, business models, marchés, innovations, investissements en automatisation, contribueront à assurer cette différenciation ; et tant mieux si elle se construit de surcroît sur un terrain fiable et performant.
8 – Conclusion
Le système de production de Toyota (TPS) est devenu la référence, l’image emblématique mondialement connue de ce qu’est un système de production. Le courant de pensée du Lean Management, traduction américaine des méthodes de management japonaises a, d’une certaine façon, théorisé le sujet et l’a dépassé en l’étendant au Process de Développement de nouveaux produits et au delà encore au grade de système de management à part entière. La construction des SP a pris du temps. Lorsque les industriels japonais ont dû faire face à la crise des années 90 (post Irak), les délocalisations obligatoires ont vidé le Japon d’une partie de ses usines. Tous les efforts étaient tournés vers les transferts ; moyennant quoi les systèmes de production dans les usines au Japon, ne bénéficiant plus des mêmes attentions de la part des managers, commençaient à s’essouffler et s’effriter, au point que la qualité des produits commençait elle aussi à en souffrir. Au pays du modèle, la dégradation reste insidieuse. Les corrections et relances n’ont pas manqué. Au point qu’aujourd’hui, le Japon qui se réindustrialise sur son propre sol, considère que la maîtrise de la production à travers ses systèmes de production constitue un atout concurrentiel majeur. Le courant du « monodzukuri » (l’art de fabriquer des objets) est devenu un étendard derrière lequel METI, universitaires et entreprises grandes et moyennes, repartent à l’assaut de la concurrence globale. Avec l’expérience de 50 ans de systèmes de production, la prise en compte des difficultés rencontrées en fonction des périodes, la nouvelle motivation des leaders et les possibilités offertes par les nouvelles technologies, le devenir des systèmes de production «à la japonaise» risquent bien de rester source d’inspiration pour encore un peu de temps.
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